La Valse des cavaliers

10 juillet 2015 Non Par Jumpinews

Billet d’Humeur :

À qui le tour ?

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Décidément, il semble de plus en plus difficile de rester serein quand on est un cavalier professionnel. Du jour au lendemain, l’avenir des plus prometteurs se transforme en désillusion amère. Ce qui vient encore d’arriver à Pius Schwizer (voir article) devient presque un lieu commun et personne ne semble vraiment s’en inquiéter. Et pourtant !

Certes, avant lui, d’autres sont déjà passés par là. Kevin Staut, Steve Guerdat, Gerco Schroder et j’en passe et des meilleurs, tous ont connus et pour diverses raisons, l’abandon d’un propriétaire. Si le coup fut souvent dur, leur caractère de battant les a aidés à surmonter l’épreuve.

Mais que vous soyez classé parmi les meilleurs mondiaux ou « simple » cavalier de concours nationaux, le temps vous est compté !

Une situation de plus en plus commune me direz-vous, mais ô combien révélatrice d’une évolution qui ne semble plus tenir compte de l’avenir sportif d’un cavalier et donc du cheval.

De Ponnat à nouveau dans la tourmente.

Ainsi, d’après un article de Marine Haÿ sur le site de l’Éperon, la cohésion ne serait plus tout à fait de mise entre les différents propriétaires d’Armitages Boy. Déjà en proie à sa vente l’an dernier, Aymeric de Ponnat avait du battre campagne pour trouver de nouveaux sponsors capables de l’aider à financer le rachat du prometteur étalon. La solution d’une copropriété semblait alors pouvoir maintenir Armitages Boy sous couleurs françaises, permettant ainsi au cavalier normand d’entrevoir une possible participation aux championnats d’Europe, voir même aux J.O. de Rio.

Aymeric de Ponnat ne démérite pourtant pas dans ses ambitions et si certains résultats peuvent être jugés en dessous des espérances, il n’en demeure pas moins qu’avec Armitages Boy, il aura aussi contribué aux succès tricolores de ces dernières années.

Chaque propriétaire est libre de faire ce qu’il veut et il peut aussi arriver qu’un changement d’écurie soit bénéfique au cheval ou qu’une vente soit la solution au maintien économique d’une entreprise . Mais ces choix là se font rares, car ils résultent d’une véritable expérience en la matière et d’une assise financière des plus saines. Par sa longévité et ses résultats, l’écurie Beerbaum en est sans doute la meilleure preuve et les récentes structures du Haras des Coudrettes ou encore celles de la famille Glock, semblent tenir le bon cap. Il demeure aussi quelques propriétaires et/ou mécènes dont l’amitié en vers le cavalier est à la hauteur de leur passion du cheval. Mais ils se font rares.

Combien de ces nouveaux « investisseurs » sont en fait capables d’apprécier les valeurs de leurs chevaux et donc des qualités de ceux qui les montent? La notion de couple performant, formé par la symbiose entre un cavalier et son cheval, semble être passée de mode ! À force d’ignorance, un ou deux parcours mal négociés peuvent aujourd’hui se transformer en changement de cavalier.

 

La crise à tous les niveaux… ou presque !

Combien de couples, combien d’efforts, combien d’espoirs se retrouvent ainsi brisés.

Entre les chevaux retirés par des propriétaires peu en phase avec les sports équestres et ceux vendus, car ne pouvant résister aux offres mirobolantes de richissimes émirs et autres fortunés d’outre-Atlantique, les cavaliers internationaux ont de plus en plus de mal à pouvoir garder leurs montures.

Que vous soyez jeune espoir, ou valeureux cavalier des circuits nationaux, ou même mondiaux, rien ne vous garantit de pouvoir garder votre bon cheval sous la selle bien longtemps. À moins bien sûr (et si vous en avez les moyens) d’en être vous même pleinement le propriétaire.

Olympiques pour quoi ?

S’il est évident que l’on ne sait pas tout ce qu’il y a derrière chaque histoire, il n’en demeure pas moins qu’à l’approche de l’échéance des transferts pour les J.O. ( fixée au mois au mois de décembre et repoussée par la FEI au mois de janvier, dernier délai….) cette année 2015 est à nouveau encline à bien des transferts et donc à autant de tourments.

Mais pour arriver aux olympiades, on est prêt à tout… Y compris d’en oublier l’essentiel de ce sport: Le cheval et son partenaire cavalier. Les sports équestres ne sont à nul autre pareil. L’homme et l’animal sont intimement liés dans l’effort et la performance. Certes, il y en a de plus ou moins doués, d’autres qui se forment à force d’acharnements et d’autres qui se défont à l’évidence de leur incompatibilité.

Quand on recense le nombre de compétitions qui ne cesse de croitre chaque année, arborant des listes d’engagés interminables, on se dit que les sports équestres (et particulièrement le CSO) se portent bien.

Mais combien d’entre eux sont encore capables de former un jeune cheval, le débourrer, lui apprendre les bases pour le perfectionner progressivement jusqu’à ce qu’il soit mûr pour fouler la piste d’un concours d’élevage. Puis, évaluant ses capacités à la hauteur d’épreuves plus relevées, l’emmener découvrir le haut niveau pour peut-être, un jour,  y faire sa place aux podiums les plus prestigieux.

Tout cela demande autant de temps que de moyens. Ca coute de plus en plus cher et l’hypothétique « rentabilité », se fera sur du long terme. La conjoncture est difficile pour les travailleurs à cheval. L’artisan cavalier se fait aussi rare que le propriétaire passionné ! Or l’un ne va pas sans l’autre et c’est là que le bât blesse. Le cavalier, le vrai, celui qui travail « ses » chevaux, qui ressent, qui sait quand ca va bien, ou pas, celui qui renoncera à un concours pour privilégié le repos et la récupération, celui-ci doit aujourd’hui se demander s’il fait bien d’agir ainsi.

À force de vouloir nous faire croire qu’il suffit d’avoir un bon cheval pour faire du grand sport, qu’en payant une table en VIP, on peut se taper les plus « beaux » concours du monde, on finit par priver d’avenir ceux dont c’est autant la passion que le métier, ces artisans équestres.

Show devant !

Dans cette course effrénée, les concours hippiques finiront en jeux du cirque. D’ailleurs, dans la langue de Shakespeare, on appelle déjà cela du « Show Jumping ».

Et du show il y en a aussi eu encore le week-end dernier, quand par 35 ° à l’ombre de la Tour Eiffel, on n’a rien trouvé de mieux que de faire une épreuve de « puissance » pour épater la galerie ! Sans oublier le bouquet final du dimanche après-midi, lors d’un grand prix comme je ne me souviens pas d’en avoir vu avec autant de fautes parmi les engagés et dont certains persistaient à terminer le tour, malgré les 12 points déjà engrangés après le N° 6 .

Rares furent ceux qui avaient préféré en rester là samedi soir, jugeant qu’avec cette canicule rien ne justifiait d’en rajouter. Ah si! Pius Schwizer en était. Mais peut-être aurait-il dû rester, histoire d’endurcir un peu plus sa jeune monture…

Certes, je suis caustique et mon humeur est chagrin, car outre les chevaux et leurs cavaliers, c’est toute une filière qui se retrouve mise à mal.

Seuls quelques rares initiés (souvent à l’origine du système), marchands et courtiers continuent à vraiment en tirer profit, laissant au passage quelques subsides aux cavaliers qui, même s’ils ne sont pas dupent, n’ont d’autres choix que de s’y accrocher pour en vivre.

À tous les niveaux, l’avenir du cavalier professionnel ne tient plus qu’à un fil… D’argent !

Et nous ne vous parlons pas des éleveurs.Pour beaucoup c’est la misère !

Mais bon, comme dit, suite au prochain épisode…

C.G. pour jumpinews.com