Nouvelle rubrique :
8 mars 2021Avis Partagés.
En ces temps de crises sanitaires, sociales et économiques, il nous est toujours difficile de maintenir un fil d’actualités traitant autant de compétitions équestres dont les annulations se sont succédé depuis près de douze mois, que de performances sportives de haut-niveau ! Certes, il y eut un petit regain à l’automne, mais écrire pour ne pas informer sur grand-chose si ce ne sont les quelques rares résultats de compétitions à huis clos ou la vente de tel ou tel cheval à un autre cavalier, franchement pas très motivant. D’où l’idée d’une nouvelle rubrique ayant pour thème l’actualité du moment et les avis partagés par nos interlocuteurs.
L’ayant au téléphone pour un autre sujet, j’ai profité de mon entretien avec Gilles Bertran de Balanda pour lui demander s’il voulait bien se prêter au jeu en évoquant la situation actuelle avec la crise sanitaire et l’avenir d’un monde du cheval qui, comme pour bien d’autres, doit faire face à un avenir incertain.
Avis Partagés : Gilles Bertran de Balanda.
Gilles Bertran de Balanda, lors de notre discussion préalable, nous évoquions notamment la crise sanitaire liée à l’épizootie de rhinopneumonie équine (EHV-1) et ses terribles conséquences puisque l’on dénombre aujourd’hui six décès pour près d’une centaine de chevaux atteints. N’a-t-on pas manqué de réactivité face à un virus dont on connait pourtant la contagiosité ?
Vous savez, il est toujours facile de rejeter la faute sur les autres, mais quand le mal est présent, on se doit de réagir avec calme et objectivité afin d’être efficace. Éviter les surenchères nauséabondes et faire en sorte de respecter scrupuleusement les directives sanitaires. C’est comme avec le COVID. Dépister, isoler, traiter. Il me parait essentiel de tout mettre en œuvre pour ne pas favoriser encore plus la propagation du virus. Quand nous avons été informés des premiers cas, j’ai de suite mis en place un protocole sanitaire aux écuries avec contrôle des carnets pour voir si tous les chevaux étaient bien à jour. Tout était bon, mais cela ne m’a pas empêché de demander aux grooms de faire une bonne désinfection des écuries et un relevé des températures des chevaux matin et soir. Évidemment, aucun cheval n’entre ou ne sort de nos installations. C’est comme ça. De toute façon ; pour aller où ? La F.F.E a judicieusement mis en place des mesures strictes. Tous les concours et rassemblements sont interdits en France et c’est bien normal. Nous avons la chance d’avoir de grandes installations avec des herbages. Les chevaux sont bien.
Une crise de plus dans une période déjà bien compliquée ?
Oui, évidemment tout le monde s’en sera passé. Mais encore une fois, face à ce genre de crise il faut savoir garder raison. Comme avec le COVID, il faut rester sérieux, prendre les mesures nécessaires sans pour autant tomber dans le cynisme.
À propos de la fédération française dont vous évoquez la justesse des décisions sanitaires, on vous sait proche de Jacob Legros dont vous soutenez la candidature aux élections fédérales.
Jacob Legros est un ami de longue date et la durée de nos relations témoigne de l’estime et la sympathie que j’éprouve envers lui. C’est un homme de convictions auxquelles j’adhère, car, je sais pour l’avoir vu et vécu, qu’il tient parole. Il est fidèle à ses engagements. C’est aussi un homme du terrain. Il œuvre depuis longtemps pour l’évolution des clubs et des sports équestres du Languedoc. C’est ma région de cœur, j’y suis né et forcément, j’ai toujours été attentif à ce qu’il s’y passe. Outre ses capacités de gestion des dossiers administratifs et la mise en place des nouvelles directives fédérales, Jacob Legros s’est révélé être un très bon président du comité régional sachant s’entourer d’une équipe fortement impliquée pour le développement des activités équestres dans la région. Par son attention et son écoute, il a aussi su réunir et fidéliser une grande partie des différents acteurs de la filière. C’est un passionné honnête, attentif aux autres et persévérant. Ce genre de personnes se font rares. Alors, je l’apprécie d’autant plus.
Envisagez-vous un poste fédéral ?
Pas le moins du monde. Je n’en ai aucune envie et encore moins l’ambition. J’apporte juste mon soutien à une équipe et si l’on me le demande, je leur donne mon opinion.
Sans vouloir éluder les autres programmes*, qu’est-ce qui vous a plus dans le sien ?
Ce n’est pas que le sien, mais celui de toute une équipe ! D’ailleurs, sa liste se nomme bien Collectif Alternative et Progrès. Cela reflète pleinement l’état d’esprit de cette candidature. Je ne vais pas reprendre chaque point du programme, mais quand on me parle de projet sportif plus juste avec un système pour mieux protéger nos amateurs et mieux valoriser nos professionnels ? J’adhère. Quand on me parle de mieux valoriser les résultats de nos cavaliers internationaux par une meilleure visibilité médiatique. Je dis oui aussi. Et pas juste pour la gloriole. Mais je trouve paradoxale que nous soyons l’un des sports les plus médaillés aux J.O. et qu’on galvaude autant les brillants résultats de nos champions, olympiques, mondiaux, européens et nationaux. Je suis retombé récemment sur un grand hebdomadaire sportif qui retraçait les grands champions français. La couverture était composée de quatre-vingt sportifs tricolores… Pas un seul cavalier n’en faisait partie ! Je ne trouve pas ça normal.
Comment pensez-vous qu’il faille agir ?
Encore une fois, je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais il me semble qu’aujourd’hui, avec cette foison de réseaux sociaux, de sites internet et tous ces professionnelles et autres conseillers en communication, on devrait quand même être mieux lotis.
Le haut niveau n’est-il pas suffisamment soutenu ?
Les résultats prouvent qu’il n’y a pas grand-chose à redire. Les investissements de propriétaires aussi dévoués que passionnés méritent aussi d’être rappelés.
Ils ont aussi largement contribué aux résultats des cavaliers français par l’achat ou la mise à disposition de chevaux d’exceptions. Ces couples ainsi formés nous ont apporté des titres olympiques par équipe aux derniers jeux à Rio dans la foulée des titres européens de Kevin Staut puis Bosty. D’autres ont aussi élevé le drapeau tricolore au sommet des mats des concours des plus prestigieux de la planète. Tous ces palmarès nous maintiennent au plus haut rang mondial… Je crois qu’il y eut un vrai bon travail de part et d’autre dans ce domaine, tant au niveau du staff fédéral que des cavaliers et de leurs propriétaires. Ce n’est pas par ce que j’avais quitté mon poste de sélectionneur sur un désaccord que je ne sais pas reconnaitre qu’il y a eu du bon boulot de fait par la suite. Si elle a su créer un vrai pôle France pour ses élites, il ne faut pas oublier qu’elle ne représente qu’une partie infime des licenciés en compétition.
Justement, que pensez – vous qu’il faille faire de plus pour tous les autres ?
Ce n’est pas du plus qu’il faut, mais du mieux. C’est aussi un point que j’apprécie dans le programme de Jabob Legros. L’accès au haut niveau c’est très bien, c’est une sorte de phare qui doit guider ceux qui veulent performer en compétition. Mais il ne doit pas éblouir au point de tronquer des résultats obtenus par des moyens biaisés. Avant ce satané COVID, les week-ends de concours ne désemplissaient pas. Accompagnant ma fille ou des élèves, combien de fois ai-je vu des épreuves interminables avec plus de cent engagés ? Combien de fois ai-je vu des podiums dont certains devaient leurs résultats principalement au savoir-faire de leur monture ? Je pense qu’il serait bon de remettre un peu d’ordre dans tout cela. Certes, il y a bien le fameux sésame du Galop 7, mais est-il suffisamment adapté à ce que l’on est en droit d’attendre, au minimum, pour prétendre évoluer au niveau supérieur ? Dans d’autres sports, foot, tennis, vélo, natation, bref quasiment toutes les disciplines, vous n’allez pas jouer dans une catégorie supérieure si vous n’avez pas les qualifications requises.
Certains disent que le système est à revoir dès l’enseignement.
S’il est indéniable qu’il faut agir à différents niveaux, il ne suffit pas de jeter l’opprobre sur les enseignants qui bien souvent, avec peu de moyens, font un boulot fantastique avec les jeunes. Non. Je pense qu’il faut d’abord faire une sorte de tour d’horizon complet, améliorer la formation, réajuster certains points que l’on a trop tendance à écarter sous prétexte de faciliter l’accès à l’équitation. Comme d’autres, notre sport a évolué et il est nécessaire d’être en phase avec les générations qui se succèdent, mais faut-il pour autant en oublier les fondamentaux ? Demandez voir à nos cavaliers d’élite. Je n’en connais pas un seul qui a réussi sans effort pour acquérir les fondamentaux de l’équitation. Celles qui lui ont ensuite permis d’aborder sereinement les aspects spécifiques à sa discipline.
Pour en avoir été l’un des élèves, auprès de mon père, puis de cavaliers qui ont marqué les sports équestres et chez qui j’ai eu la chance d’apprendre, je suis depuis longtemps convaincu de la nécessité de transmission d’un certain savoir. J’ai bien dit un certain savoir et non pas un savoir certain. Personne ne détient LA vérité. Chacun doit trouver sa voie, mais c’est la juste addition des apprentissages et la perception du ressenti avec son cheval qui mène à la réussite.
Vous parlez de réussite. Mais n’a-t-on pas eu tendance ces dernières années à vouloir qu’absolument tout le monde réussisse ?
Il y a dans notre académie *un adage qui prévaut : crois en tes rêves, tu arriveras peut-être. Crois en toi, tu y arriveras surement. Mais il est bon d’y rajouter une chose essentielle. Chacun à son niveau. Quelle que soit la discipline, tout le monde n’est tout simplement pas apte à devenir numéro 1. Même si les efforts et la volonté sont de très bons atouts, il faut aussi du talent et certaines aptitudes hors du commun pour se hisser au plus haut niveau… et s’y maintenir. Car avec l’aide d’un très bon cheval et quelques conseils avisés, certains sont capables d’un coup d’éclat. Puis, plus rien.
C’est pourquoi il me parait important de bien déterminer jusqu’où l’on est capable d’aller et persévérer. Et si ce n’est vous, alors il doit y avoir quelqu’un capable de vous le dire, ou pour le moins vous le faire comprendre. Combien de fois ai-je vu l’ange de la déception inonder de larmes les contreperformances de certains qui se croyaient arrivés au sommet, puis qui après avoir accablé leur cheval de méforme, n’ont osé avouer qu’ils n’étaient tout simplement pas à leur place ? Tout cela arriverait moins si l’on instaurait un véritable système de qualification entre catégories.
Vous faites allusion à d’autres sports. On voit au foot, au tennis ou ailleurs de véritables professionnels de la détection des jeunes talents. Serait-ce une piste à exploiter ?
Tout à fait . D’ailleurs c’est aussi l’un des projets du Collectif Alternative et Progrès de Jacob Legros. Plus de décentralisation, apporter aux différents C.R.E les moyens nécessaires à la détection à la l’encadrement et au développement de jeunes talents. J’en ai encore un exemple récent. Alors que j’accompagnais ma fille à un concours dans le coin, j’ai remarqué une jeune fille qui détendait son cheval au paddock. Appréciant son équitation, j’ai décidé d’aller la voir en piste. C’était un régal. Elle montait parfaitement bien, ajustant avec équilibre, justesse et cadence le tracé de son cheval, terminant ainsi sans faute et dans le calme son parcours. La sérénité de son évolution tranchait cruellement avec la pléthore de concurrents que je voyais, comme trop souvent, obnubilés par la chasse au meilleur chrono, laissant là toute forme d’équitation et de respect du cheval au profit d’une incroyable débandade. Même si l’on s’est dirigé vers une certaine démocratisation des sports équestres, il est indéniable que leurs pratiques ne sont pas à la portée financière de tout le monde.
J’aurais bien aimé aborder les parents de cette cavalière pour savoir dans quelles conditions elle évoluait, s’il y avait possibilité de lui apporter du soutien, mais je m’en suis finalement bien gardé. Par égard vis-à-vis de son entraineur, de son entourage, je me suis contenté de lui signifier tout le bien que je pensais de sa façon de monter. Peut-être ai-je eu tort, mais je ne voulais pas passer pour une sorte de chasseur de têtes désireux d’étoffer son académie.
Cet évènement m’a vraiment conforté dans l’idée qu’il faudrait créer un système capable de détecter les jeunes talents pour permettre aux plus sérieux d’intégrer une structure fédérale où ils pourront évoluer vers le haut niveau. Une sorte d’école fédérale pour les cavaliers de sport.
Outre votre académie, vous semblez encore bien impliqué dans ce milieu . Alors que d’autres profitent d’une retraite bien méritée, vous êtes toujours actif dans le monde du cheval. N’êtes-vous donc pas lassé ?
Ce monde du cheval, c’est mon monde. J’y suis depuis belle lurette et j’en ai vu de toutes les couleurs. Ce que certains pensent de moi m’importe peu finalement. Je ne tiens compte que de l’avis de mes proches… je pense qu’ils sont suffisamment lucides et n’hésiteraient pas à me dire si je déraille…
L’âge est là, c’est certain, mais pour l’instant j’ai la chance de ne pas trop en subir les déboires. Alors tant que je garde la forme, que je peux être à cheval comme chaque matin à 7 h 30, que j’apprécierai qu’on me demande conseil et qu’ils permettent encore à certains d’obtenir des résultats somme toute encourageants, je ne vois pas pourquoi arrêter.
C’est ma vie et je suis heureux de pouvoir la partager avec ceux qui me sont proches.
Cette interview s’achevant sur une belle note d’espoir et de reconnaissance, nous en resterons là.
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Interview réalisée par Ch.GERHARD pour jumpinews.com
© texte et photos : jumpinews.com D.R.