Gilbert Doerr s’en est allé.

30 décembre 2022 Non Par Jumpinews
Gilbert Doerr fut l’un des cavaliers des plus fidèles au challenge du Grand National. ©photo CG jumpinews

Cavalier aussi émérite que passionné, l’alsacien Gilbert Doerr s’en est allé ce 28 décembre au terme d’un ultime défi contre la maladie.

Bas-rhinois originaire de Lohr, Gilbert Doerr s’était initié à l’équitation dans les années 70 pour performer rapidement en concours complet puis en saut d’obstacles sur les différentes pistes d’Alsace et de Lorraine.

Le chef de piste Thierry Bucher fut l’un de ses premiers compères de joutes :

«  Je l’ai encore eu au téléphone il y a peu. Nous avons échanger quelques mots, puis il a raccroché par un « adieu et mach’s guet » (porte toi bien en alsacien). Fidèle à lui-même, soucieux des autres comme il a toujours été attentif au bien être de ceux qui l’entouraient. Ce qui ne l’a pas empêché de bien vivre et d’avoir su garder son cap par un franc parlé qui le caractérisait. Suite à l’annonce de son décès, je n’ai pas pu dormir et ma mémoire s’est embrumée des nombreux bons moments que nous avons passés ensemble. J’ai aussi une grande pensée envers ses proches, dont sa fille Lisa… »

 Côtoyant les stars montantes telles que Roger-Yves Bost et autres Hubert Bourdy qu’il n’hésitait pas à venir taquiner aux podiums, Gilbert Doerr décidait de quitter l’usine qui l’employait pour se consacrer pleinement au sport de haut niveau. C’est aux côtés de Jean-Marc Nicolas alors basé en Allemagne que  Gilbert Doerr allait mettre le pied à l’étrier en tant que professionnel.

  • «  Gilbert était plus qu’un ami …» nous témoigne Jean-Marc Nicolas profondément attristé. «  Cela fait plus de quarante ans que nous nous connaissons et un profond respect mutuel nous unissait. Il travaillait encore à l’usine et montait en concours complet quand il est venu me voir à Billigheim où je travaillais pour monsieur Ohmer. Il est rapidement devenu indispensable au bon fonctionnement de mon écurie. Outre sa jovialité, j’ai senti chez lui ô combien il aimait les chevaux et le talent qu’il avait. Il progressait très rapidement et décrochait déjà une 4e place aux championnats de France. Ensuite, il m’a suivi en région parisienne avant de se mettre à son compte en Normandie. Je suis allé le voir il y a quatre jours. Nous avons parlé du bon vieux temps tout en sachant que c’était la dernière fois… Gilbert, vous me manquez… » conclut non sans peine Jean-Marc Nicolas.

C’est en Normandie, bastion de l’élevage et des sports équestres, que Gilbert Doerr avait pris place dans différentes installations pour mener à bien sa carrière.

Son premier cheval de grand prix fut le bien nommé Bleu Blanc Rouge II. L’étalon , puissant et respectueux n’en fut pas moins délicat comme le témoignait à l’époque l’illustre Xavier Leredde qui l’avait débuté pour le compte de l’élevage familial. Patiemment, Gilbert Doerr en fit un partenaire de premier plan avec lequel il accumulait les victoires en C.S.I.

Excellent formateur de jeunes chevaux dont il sut mettre en exergue les qualités, d’innombrables cavaliers amateurs ou professionnels lui rendent aujourd’hui hommage pour son dévouement et sa passion pour transmettre le sens de la belle équitation, celle emprunte de légèreté, de simplicité et de justesse dans le respect du cheval.

Double champion de France Pro 1, les années 2000 confirmaient ses talents et Gilles Bertran de Balanda, alors sélectionneur lui ouvrait l’accès à des concours internationaux auxquels il prit part avec un certain succès, notamment avec l’alezan Mister Davier, confié ensuite pour la selle de Julien Epaillard.

«  J’ai pris la nouvelle de son décès comme une claque de plus cette semaine, après la mort de Dominique Bentéjac et d’un autre ami disparu brutalement en début de semaine. Ca fait beaucoup! Trop même! J’ai connu Gilbert aux côtés de mon beau-frère ( J.M. Nicolas, ndlr) et outre ses indéniables talents de cavalier, il avait un état d’esprit qui me convenait particulièrement. Aussi jovial que déterminé dans ses objectifs, il savait tout autant ménager sa monture qu’affirmer sans détour son opinion quand les choses n’allaient pas.

Nous nous sommes retrouvés quand sa fille Lisa s’est installée dans le Sud. Elle venait s’entrainer à la maison et Gilbert profitait de l’occasion pour passer un moment ensemble.

Je me régalais de ses venues ou l’on partageait autant nos points de vue équestres que nos impressions sur le monde qui nous entoure. C’était un gars bien, pas avare en plaisanteries, mais au caractère franc et bien trempé, comme le sont souvent les Alsaciens. Il ne manquait d’ailleurs jamais de rappeler ses origines, jouant quelques fois d’un accent dont il avait su garder l’essentiel. L’honnêteté. »

La transmission du savoir.

Gilbert Doerr avait aussi du talent dans la transmission du savoir. Même s’il n’aimait pas qu’on le prenne pour un mentor, nombreux sont ceux qui grâce à ses conseils avisés ont pu progresser et obtenir des résultats qui les ont souvent menés bien au-delà de leurs espérances.

Pour le lorrain Jean-François Danton, cavalier et instigateur de bien des évènements équestres, la triste nouvelle se doit d’être partagée pour honorer sa mémoire.

«  Sourire, gentillesse et partage, voilà les trois premiers mots qui surgissent dans ma mémoire. Gilbert Doerr est de ce type d’homme dont la modestie n’a d’égal que le savoir-faire de ses talents qui comme tant d’autres ne sont pas toujours sous les feux des projecteurs, mais qui auront su éclairer de leur passage l’évolution des sports équestres. Il demeurera parmi ces cavaliers sans qui le Cheval Français ne serait pas ce qu’il est. Toutes mes condoléances à sa famille et ses nombreux amis et camarades qui se retrouvent l’âme en peine. Ad Deum Gilbert, salut l’Artiste ! »

Amateurs ou professionnels, tous ceux qui l’ont côtoyé saluent aujourd’hui avec tristesse la disparition de Gilbert Doerr en s’accordant sur une phrase :

Tu vas nous manquer Gibi…

Les obsèques auront lieu lundi 2 janvier à 14 h30 dans sa commune natale de Lohr

Texte et photos © Ch.Gerhard pour jumpinews.com